Chine : 2 semaines à l’hôpital de médecine traditionnelle chinoise.

L’impulsion du départ en Chine…

Après 6 ans de formation en France, je sentais le besoin de revenir aux sources de cet art de soigner qu’est l’énergétique traditionnelle chinoise. Retourner dans l’empire du milieu et découvrir comment nos amis Chinois appliquent, en 2024, ces méthodes héritées du passé. Mon esprit fantasmait sans bien savoir ce qu’était la réalité clinique actuelle en Chine. Il était temps d’aller voir.

Partir trois semaines : deux à l’hôpital de Tianjin, grand centre d’enseignement universitaire de la médecine traditionnelle Chinoise et quelques jours à Pékin sur la trace des anciens empereurs pour lesquels cette médecine traditionnelle a été développée.

Nous sommes une équipe de 4 « jeunes praticiens », amis et collègues de travail qui partons dans cette aventure en autonomie. 

Le travail à l’hôpital

L’hôpital de Tianjin

L’hôpital de Tianjin dispose de 2,300 lits d’hospitalisation, un service d’urgence 24h/7j et traite 10,000 patients par jour en ambulatoire. Les soins associent des techniques occidentales (les outils de diagnostic) et traditionnelles chinoises (l’essentiel des traitements). L’hôpital est organisé en spécialités cliniques et possède un service d’imagerie (radiographie, échographie doppler, scanner et IRM) qui rend des clichés commentés dans la demi-journée, ainsi qu’une pharmacie intégrée (pharmacopée traditionnelle) possédant plus de 30 guichets. La plupart des soins sont pris en charge par la sécurité sociale Chinoise.

Le rythme de soin est intense, les techniques combinent l’acupuncture, les cures de plantes traditionnelles, les massages, le réchauffement, l’auriculothérapie, etc. Les patients viennent consulter pour tous types de pathologies, la médecine de ville étant moins développée qu’en Europe. L’hôpital dispose de traitements spécifiques pour les paralysies, l’obésité, la douleur, les maladies profondes comme le cancer, les problème cardiaques, rénaux, la gynécologie, etc. C’est aussi un grand centre de recherche et d’enseignement.

Les soins ambulatoires à l’hôpital de Tianjin

Arrivé sur place, j’ai suivi durant deux semaines une dizaine de docteurs différents (c’est leur titre en Chine) et ai assisté à plus de 600 actes de soins : certains traitent entre 8 et 10 patients par heure, 6 jours par semaine. Le Docteur reçoit dans une vaste pièce équipée d’un bureau de consultation et de 10 box avec des tables de soin. Il effectue un diagnostic en 2 à 3 minutes. Si l’acupuncture peut aider le patient, il est orienté vers un box pour se préparer. Une fois les 10 box remplis, le Docteur, aidé de 2 ou 3 étudiants, pose des aiguilles. La vitesse de pose est impressionnante : environ 20 aiguilles à la minute. En moins de 20 minutes, les 10 patients ont reçu leur traitement d’acupuncture. Les aiguilles sont laissées 20 à 30 minutes et sont ôtées par les étudiants car le Docteur reçoit déjà les patients suivants qui s’enchaînent sans relâche durant toute la journée. Certains viennent pour poursuivre un traitement et s’installent directement dans les box sans revoir le docteur pour le diagnostic.

A Tianjin, l’hôpital doit en partie sa réputation aux techniques de traitement des paralysies. On y voit des médecins prescrire des cures d’acupuncture de plusieurs dizaines d’aiguilles tous les jours, durant 3 à 6 mois. Ils parviennent ainsi à récupérer certaines paralysies.

L’apprentissage à l’hôpital de Tianjin

On trouve des techniques très différentes de soin en fonction de la spécialisation des Docteurs : l’un d’eux posent des aiguilles mais sans passer la barrière de la peau, elles sont tellement superficielles que certaines tombent. D’autres posent des aiguilles plus profondément et utilisent les aiguilles pour solliciter profondément des réflexes neurologiques (dans le pli du genou par exemple). Certains anesthésient localement la zone douloureuse et piquent avec une aiguille de seringue occidentale. D’autres posent des implants sous cutanés qui remplacent les aiguilles d’acupuncture et prolongent la séance de plusieurs jours. Certaines techniques ressemblent à l’ostéopathie occidentale. On trouve également un service qui propose la moxibustion, des bains de vapeur et de l’auriculothérapie, des ventouses.

Le Docteur est souvent entouré d’étudiants Chinois. Les études de médecine en Chine durent entre 8 et 12 ans. Les étudiants n’ont le droit de piquer qu’à partir de la 5e année. Certains étudiants présents étaient des Docteurs formés dans d’autres hôpitaux venus perfectionner leurs techniques pour les traumatismes neurologiques. Le Docteur officiant n’a que très peu de temps pour expliquer ou répondre aux questions. Le stage est essentiellement un temps d’observation, le temps des questions étant relayé en fin de journée, quand le nombre des patients diminue. C’est la méthode en Chine, on observe, on recoupe par soi-même, pas d’enseignement pas à pas en clinique. Cela peut paraître frustrant pour notre culture occidentale, qui est habituée à des techniques déjà digérées et qu’on explique de manière linéaire.

Mes principales impressions

J’aurai découvert durant ce séjour une grande variété d’approches thérapeutiques, toutes basées sur les concepts de la physiologie énergétique traditionnelle chinoise. La plupart des techniques employées ne sont toutefois pas transposables dans le contexte européen actuel. Elles requièrent une intensité de soin inacceptable tant par la souffrance générée que par le nombre de séances nécessaires. Paradoxalement, ce séjour, s’il ne m’a pas réellement permis de ramener des techniques de soins, m’a conforté dans l’efficacité des techniques que nous apprenons en Europe, notamment dans l’école SFERE que je connais bien, mais aussi auprès de Maîtres qui ont approfondi les théories et mis au point des techniques de soin moins systématiques, moins intrusives, et plus adaptées à notre culture.

La Chine d’hier et d’aujourd’hui

La Cité Impériale de Pékin

J’ai eu la chance de visiter ce qu’on appelle la Cité Pourpre Interdite (de la couleur des murs bordeaux, les toits étant jaune or, couleur de l’empereur). C’est un site grandiose de plus d’un kilomètre de long, construit en quelques années sous la dynastie des Ming (1400). L’empereur Traditionnel Chinois était considéré comme l’homme le plus proche des Dieux (un peu comme Pharaon). Son rôle était, avec les Dieux, de défendre, d’assurer la paix et de subvenir aux besoins du peuple. La Cité Interdite était à la fois un lieu de gouvernement et de vie de l’empereur, de l’impératrice et de leur cour. A certaines périodes jusqu’à de 10 000 personnes y vivaient.  C’est une enceinte dans laquelle se succèdent d’immenses cours, des pavillons impériaux ayant des vocations différentes : réception et écoute des seigneurs de province, recueillement, gouvernement et décision, repos, vie conjugale, etc. Les résidences, les bâtiments de défense, les jardins, l’administration forment une ville entière au service de l’empereur et du peuple.

L’architecture de la cité… analogie avec le thorax de l’homme ?

Henning STRÖM, médecin acupuncteur français contemporain, a réalisé une étude comparative de l’agencement de la Cité Impériale et des points d’acupuncture du thorax de l’homme. Les Chinois situent l’homme entre la terre sous ses pieds et le ciel, entre le matériel et le spirituel. Et le chemin qui le conduit à s’élever, comme l’empereur était prié de le faire, est jalonné d’étapes qui sont organisées comme les points d’acupuncture du thorax de l’homme. Si l’abdomen (ventre) est le lieu de transformation des énergies originelles, génétiques et des aliments, en énergie utilisables par l’homme, le thorax (poitrine) est le lieu d’élévation des énergies, de décision de vie jusqu’à l’élévation spirituelle. Les pavillons de la Cité Pourpre Interdite s’enchaînent sur plusieurs lignes parallèles orientées Sud Nord qui reprennent les lignes parallèles des méridiens et les noms des points d’acupuncture du thorax. De nombreux pavillons ont des fonctions de gouvernement supérieur identiques aux fonctions de ces points sur le corps. Les sages Chinois considéraient que la vie était faite sur le même modèle dans l’univers macrocosmique, sur la terre, et dans nos cellules. L’homme étant à l’image de l’univers, son architecture est parfaite et de bon augure pour un gouvernement efficace et juste.

La Chine actuelle

La première chose étonnante dans ce pays immensément peuplé est l‘impression de calme, d’ordre et de propreté qui règne dans Pékin et Tianjin. Au cœur de Pékin, dans une tour de 20 étages à proximité d’un boulevard périphérique, vous être réveillés par les oiseaux le matin. Tous les scooters sont électriques, il n’y a aucun camion, un tiers des véhicules sont électriques, les gens ne crient pas, se mettent naturellement en file pour passer un contrôle ou monter dans un bus ou un train.

Une seconde source d’étonnement est la modernité technologique de ces villes. Les gens habitent dans des tours de 40 étages (il y en a des milliers), la monnaie n’existe quasiment plus car tout se paie par téléphone directement relié à votre compte en banque ; pour relier Pékin à Tianjin, un TGV part toutes les 5 minutes pour 30 min de voyage à plus de 300km/h ; l’atmosphère est parsemée de millions de caméras : dans les rues, les bâtiments, les administrations, les lieux publics et privés.

Le peuple Chinois travaille dur, avec seulement 2,5 semaines de congés obligatoire par an, puis quelques jours de congés acquis par ancienneté. Peu de personnes bénéficient de WE, les petits boulots sont effectués tous les jours, durant de très longues heures.

Enfin, comme le peuple français, les Chinois sont très attachés à la nourriture qui est savoureuse, relevée et tout aussi variée que dans notre beau pays.

Comment la Médecine Traditionnelle Chinoise est-elle perçue en Chine ?

Les échanges informels avec des chinois montrent un scepticisme vis-à-vis de la médecine traditionnelle héritée du passé : dans certains discours, elle semble « sentir un peu la naphtaline ». La société urbaine chinoise contemporaine est largement occidentalisée : véhicules de luxe, abondance de restaurants et d’écrans, on se croirait parfois dans une mégapole d’Amérique du Nord. Des milliers de livreurs en scooters électriques vous apportent les courses, les repas déjà prêts, etc. A l’heure de cette immédiateté, on comprend aisément que faire une cure de 90 séances d’acupuncture ou préparer des décoctions de plantes traditionnelles paraisse désuet. La conception de la médecine est connotée par la société : faire un examen, prendre un cachet, recourir à une chirurgie et tout est en ordre.

Cet Art ancestral du soin doit donc évoluer et proposer des solutions adaptées à notre temps. C’est ce que nous tâchons de faire dans nos sociétés occidentales en basant notre réflexion sur les fondamentaux de l’énergétique et en recherchant des techniques plus adaptées à notre culture et à nos maux actuels. Dans ma pratique je cherche à réduire au maximum le nombre de séances nécessaires en choisissant des techniques efficaces et à limiter le nombre de points sollicités sur le corps. Vouloir copier les approches chinoises contemporaines peut être inspirant, notamment du fait qu’ils disposent d’une masse de patients bien supérieure à la nôtre, mais ce n’est peut-être pas toujours le chemin le plus court.

Ce que je retiens ?

Les Anciens Chinois ont mis des millénaires à définir le fonctionnement des êtres entre ciel (esprit/émotions) et terre (matière/tissus du corps). Traiter les émotions, les pensées tout en chassant les pathogènes, les stases (blocages) et comblant les déficiences semble indispensable à l’efficacité pour aider la personne.

Durant ce voyage, à plusieurs reprises je me suis surpris (intérieurement) à vouloir proposer une approche différente de celle adoptée par le Docteur Chinois. Mes Maîtres Français, Chinois, Japonais et Canadien ont mis au point des techniques extraordinaires.

Ce voyage m’a conforté dans la voie que j’ai choisie : celle de m’approprier profondément les fondamentaux de l’énergétique traditionnelle chinoise qui éclairent les mécanismes du vivant, à exceller dans certaines techniques particulières et à transmettre cet Art ancestral qui est un cadeau pour l’Humanité. 

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